Au Moyen Age, les sourds étaient toujours en marge de la société malgré quelques tentatives d’instructions isolées.
Avec l’ouverture d’esprit de la Renaissance, apparaissent les premières tentatives concrètes d’instruction des sourds par langage gestuel. Une des plus réussie fut celle du moine espagnol Ponce de Léon.
Au XVIIIème siècle
De 1720 à 1752, Etienne de Fay enseigne aux enfants sourds par des signes, au sein de l’abbaye où lui-même à appris avec les moines d’Amiens. Il est le premier professeur sourd connu en France.
Vers 1760, l’abbé de l’Epée fonde une école gratuite à Paris, ouverte aux sourds riches ou pauvres. L’abbé est entendant et est le premier à éduquer les sourds sans vouloir à tout prix les forcer à parler. Il met au point un système de signes méthodiques grâce auquel il enseigne aux sourds qui, jusque-là, étaient privés d’éducation.
En 1779, Pierre Desloges écrit Observations d’un sourd-muet où il défend la méthode gestuelle de l’abbé de l’Epée et critique sévèrement la méthode oraliste de l’abbé Deschamps. Pierre Desloges est devenu sourd à l’âge de 7 ans et apprend le français grâce aux livres.
En 1793, la première institution pour sourds en Belgique, est ouverte à Tournai par le chanoine Gosse, un des disciples de l’abbé de l’Epée.
Au XIXème siècle
En 1817, Auguste Bébian propose un enseignement bilingue en tant
que responsable pédagogique de l’Institution Nationale des
Sourds-Muets de Paris. Il prouve que l’acquisition de la langue
française est facilitée par la langue des signes.
En 1815, l’abbé Sicard, disciple et successeur de l’abbé de l’Épée,
emmène Laurent Clerc à Londres où ils rencontrent le pasteur
américain Thomas H. Gallaudet.
En 1819, Jean-Baptiste Pouplin fonde à Liège, l’actuelle I.R.H.O.V. :
Institut Royal pour Handicapés de l’Ouïe et de la Vue.
En 1821, Thomas H. Gallaudet fonde avec Laurent Clerc, qui l’a accompagné aux États-Unis, une école pour les sourds. Thomas H. Gallaudet assure la direction de l’école et Laurent Clerc enseigne la langue des signes française, à laquelle les élèves ajoutent des termes anglais, ce qui forme l’A.S.L. actuelle (American Sign Language).
En 1864, l’Université Gallaudet est inaugurée à Washington, c’est la première institution d’enseignement supérieur destinée aux sourds, et la seule université au monde dans laquelle tout est spécifiquement conçu pour les sourds.
Joseph Henrion, après avoir suivi l’enseignement de l’abbé Sicard, a enseigné à Liège dans l’école pour sourds fondée par Jean-Baptiste Pouplin, en tant que premier professeur sourd belge.
Ferdinand Berthier, sourd de naissance, est l’un des plus brillants exemples de réussite par
l’éducation bilingue (langue des signes et français écrit). Il a été élève de Laurent Clerc et
professeur à l’Institut National des Sourds de Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages sur la
surdité, a développé les droits des sourds et a été le premier sourd français à être décoré
de la Légion d’Honneur par Napoléon (1849).
En 1880, un congrès mondial se réunit à Milan avec plus de 200 éducateurs dont
seulement 3 sont sourds. Ils discutent de l’intégration des sourds-muets dans la société et
de la conviction qu’elle ne peut se faire qu’en utilisant la voix : l’oralisme. Une querelle des
méthodes oppose ceux qui veulent recourir à la langue des signes pour l’éducation et ceux
qui veulent que les sourds emploient la parole. Le congrès vote pour la méthode oraliste et
se conclut par le cri "Vive la parole pure" qui scelle l’avenir des sourds.
Des conséquences dramatiques les touchent :
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Les langues des signes sont interdites pendant 100 ans dans toute l’Europe
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Les enseignants sourds sont écartés des écoles, remplacés par des entendants
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Les nouveaux élèves sont séparés des anciens pour éviter les échanges en langue des signes
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La langue des signes s’appauvrit et se diversifie en dialectes propres aux communautés isolées les unes des autres
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Les méthodes pour tenter de les « démutiser » échouent pour une proportion importante d’élèves sourds et l’illettrisme augmente (la prononciation est privilégiée au détriment du sens).
Malgré l’interdiction, les sourds créent des associations afin de maintenir et transmettre leur culture et la langue des signes aux générations futures.
Au XXème siècle
En 1922, est fondée la Fédération Sportive Belge pour les sourds par Émile Cornet.
En 1924, Rubens-Alcais organise les 1ers Jeux Olympiques pour les sourds, à Paris.
Dans le courant des années 60, apparaît, aux États-Unis, un mouvement d’affirmation des sourds qui se propage en Europe. Lors de cette période, nommée « le réveil Sourd », la hiérarchie se modifie dans le milieu associatif. Les sourds-parlants perdent leur légitimité pour être peu à peu remplacés par une nouvelle génération de sourds ayant des capacités en langue des signes et une affiliation culturelle au monde des sourds, plutôt que des compétences en français écrit. Ces nouveaux dirigeants rejettent l’étiquette de « déficients auditifs ». Le terme « sourd » est choisi et les noms des institutions sont transformés. Ce «réveil Sourd » est marqué par la volonté de démédicaliser la surdité et de revendiquer la reconnaissance des langues signées en tant que langues naturelles des sourds. Ceux-ci désirent ainsi se définir à travers une identité culturelle et linguistique plutôt qu’à travers des critères d’audition.
En 1977, est créée la Fédération Francophone des Sourds de Belgique qui entreprend la traduction en langue des signes du Journal Télévisé. La même année, le langage parlé complété (LPC) est introduit en France, dix ans après sa mise en place aux Etats-Unis par le docteur R. Orin Cornett.
En 1979, le métier de codeur LPC naît et ce langage devient aussi un outil d’intégration scolaire.
En 1980, l’association ALPC est créée, afin d’assurer la promotion et le développement en France de la langue française parlée complétée.
En 1983, un décret ministériel autorise l’usage de la langue des signes dans l’enseignement.
En 1993, Emmanuelle Laborit, comédienne sourde française, reçoit le Molière de la révélation théâtrale pour son rôle dans Les Enfants du silence.
La 1ère Journée Mondiale des Sourds a lieu à Liège en 1994.
En 1998, la loi belge reconnaît l’aptitude de la personne sourde à conduire.



Emmanuelle Laborit



Université Gallaudet
R. Orin Cornett




Ferdinand Berthier
Thomas Gallaudet
Laurent Clerc

Eugène Rubens-Alcais

« L’abbé de l’Epée instruisant ses élèves
en présence de Louis XVI »
Huile sur toile de Gonzagues Privat (1875)
Abbé de l'Epée
